Sans doute parce qu’elle est difficile d‘accès, la réserve naturelle de Þórmörk est restée préservée et offre des paysages parmi les plus spectaculaires d‘Islande. Encaissée au milieu de trois volcans-glaciers qui sont autant d‘immenses barrières naturelles, cette vallée n‘est accessible que par une piste complètement déglinguée et balayée par de puissants torrents glaciaires pouvant mettre à mal la résistance des véhicules même les plus puissants, ce qui limite énormément le trafic sur la zone, la circulation pour les véhicules de location y étant notamment interdite.
Bien calfeutrée à l‘abri des montagnes, la vallée de Þórsmörk est aussi protégée des vents dominants qui arrivent de l‘Atlantique et bénéficie ainsi d‘un microclimat étonnamment doux en été. De plus, la vallée est exclue des zones de pâturage depuis maintenant 100 ans, suite à l‘éruption majeure en 1918 de Katla, énorme volcan dissimulé sous le glacier Mýrdalsjökull qui barre le fond de la vallée. Ces deux éléments combinés se traduisent par une végétation plus « luxuriante » qu‘ailleurs en Islande. On trouve ainsi à Þórsmörk une belle flore arctique et de nombreuses petites forêts de bouleaux nains et tortueux.
Comme la totalité des régions d’Islande situées à l’intérieur des terres et en retrait des plaines côtières, la vallée de Þórsmörk est inaccessible de l’automne jusqu’à la fin du printemps, à moins d’y accéder à bord d’un véhicule super-jeep conduit par un chauffeur-guide connaissant parfaitement la zone.
De début mai à la mi-octobre, la vallée devient cependant plus facilement accessible grâce à une liaison en bus de ligne 4×4 assurée quotidiennement au départ de Reykjavík. Ainsi, malgré la simplicité de ses structures d’accueil (refuges de montagne à réserver longtemps à l‘avance et campings rustiques) et l’impossibilité d’accéder à la zone en véhicule de location traditionnel, même 4×4, cette superbe vallée parvient à attirer en été de nombreux amateurs de marche en montagne. De magnifiques randonnées vous attendent en ces lieux, au pied de ces glaciers et massifs volcaniques majestueux, au fond de ce dédale mystérieux de vallons secrets et de gorges encaissées, tout en haut de ces plateaux et sommets escarpés qui s’élèvent à la verticale tels des forteresses inaccessibles. Tout autour de vous, les paysages sont féériques, au point qu’on les croirait tout droit sortis de l’imagination d’un J. R. R. Tolkien ou d’un George R. R. Martin. Par contre, les sentiers de la zone sont réservés aux personnes ayant le pied sûr, n’étant pas sujettes au vertige, et dont le cardio et les mollets sauront s’accommoder de pentes parfois bien abruptes !
Þórsmörk est aussi un point de passage obligatoire pour les nombreux marcheurs qui, chaque été, s’engagent dans le trek au long cours de Laugavegur. Le point de départ de ce magnifique sentier balisé est situé à Landmannalaugar, à 50km à pied au nord-est de Þórsmörk, et il se termine sur la côte sud à Skógar, à 25km au sud de Þórsmörk. Réalisable en 4 à 7 jours, ce trek mène les randonneurs à travers la réserve naturelle de Fjallabak en passant par le plateau volcanique de Hrafntinnusker, le lac d‘Álftavatn, le désert de Mælifellssandur, les gorges de la Markafljót, la vallée de Þórsmörk et le col de Fimmvörðuháls entre les glaciers Mýrdalsjökull et Eyjafjallajökull.
Le parcours est ponctué de refuges de montagne mais ce trek remarquable étant victime de son succès, sa réalisation ne se prête pas à l‘improvisation de dernière minute pour qui voudrait passer ses nuits « en dur » et non en camping. En effet, à moins de réserver sa place en refuge des mois à l‘avance, il faut passer par une agence de voyage locale comme Destination Islande pour espérer décrocher le graal. L‘avantage est alors que l‘organisation de ce trek, qu‘il soit guidé ou se fasse en rando-liberté, n‘est pas baclée et permet de profiter pleinement de ces quelques jours de marche en région sauvage et isolée.
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Eyjafjallajökull, c’est le volcan qui marque l‘entrée de la vallée de Þórsmörk et la sépare au sud de l‘Atlantique et des régions côtières. C’est aussi le massif volcanique dont on a tant parlé en 2010, son éruption ayant entraîné la fermeture de l’espace aérien européen pendant une semaine entière. À cette occasion, le volcan a obligé les journalistes du monde entier à redoubler de créativité pour éviter de dire son nom, qu’ils étaient incapables de prononcer, tout en ne parlant que de lui pendant des semaines ! Mais à défaut d’avoir incité la population mondiale à se familiariser avec la phonétique islandaise, Eyjafjallajökull est malgré tout le volcan qui a permis de mettre l’Islande sur la route de bien des voyageurs, ce qui a initié un engouement sans précédent pour le pays.
C’est avec le printemps, dans la nuit du 20 au 21 mars 2010 très exactement, après des semaines d‘une activité sismique qui laissait présager que quelque chose était en train de se passer, que le volcan Eyjafjallajökull a décidé de revenir à la vie après une longue période d’hibernation, le dernier sursaut de la bête remontant alors à l’année 1821. Dans les premiers temps, tout a commencé par deux fissures éruptives de 150 et 200m de long, situées à env. 8km à l’est du sommet, et crachant de la lave incandescente de façon totalement inoffensive. Le tout se déroulait très loin des zones habitées, à 1000 m d’altitude, en haut du col de Fimmvörðuháls. C‘est par ce col, accessible uniquement à pied, que passe le sentier de Laugavegur entre la vallée de Þórsmörk et Skógar. De nombreux randonneurs n‘hésitent donc pas aujourd’hui à s’y rendre en aller-retour à la journée depuis Þórsmörk pour y observer les cratères aux parois rougeâtres que l’on doit à cette éruption, entourés de laves fuligineuses et encore fumantes après toutes ces années. Décor de genèse ou de fin du monde, on ne sait plus trop…
Mais le réveil de l’Eyjafjallajökull a surtout marqué les esprits lorsque le 14 avril de cette même année 2010, les choses se gâtèrent sérieusement. C’est tout d’un coup au niveau du sommet du volcan et de son cratère, à plus de 1600 m d’altitude, là où la montagne est recouverte par la calotte d’un glacier, que la lave qui remontait vers la surface depuis la chambre magmatique du volcan parvint finalement à se frayer un chemin. La rencontre du magma brûlant avec l’épaisse nappe de glace qui recouvre le sol en surface fut explosive ! Le choc thermique brutal, combiné à la présence d’eau due à la fonte du glacier et à la chute de pression énorme que la lave rencontre en surface quand elle arrive à l’air libre, donna lieu à son explosion en particules et cendres volcaniques très fines. Celles-ci, après être grimpées très rapidement jusqu’à une altitude de 8 km, fut ensuite charriées dans les couches supérieures de l’atmosphère sur des milliers de kilomètres par les vents extrêmement violents qui règnent à ces hauteurs.
Mais manque de pot : le chemin emprunté par la cendre volcanique croise rapidement les routes aériennes parmi les plus empruntées de la planète, obligeant les autorités, dans les jours qui suivent le début de l’éruption, à fermer l’ensemble de l’espace aérien européen par mesure de sécurité. Bien que cette mesure extrême ne soit mise en application que par intermittence, selon les caprices des vents d’altitude, on estime que dans la semaine du 14 au 21 avril 2010, ce sont près de 50% des vols qui sont purement et simplement annulés en Europe, ce qui représente plus de 100 000 vols et affecte près de 10 millions de passagers…*
Cet épisode mouvementé n’a pas été sans rappeler au bon souvenir des Islandais le volcan voisin de Katla. Katla, „la bouilloire », c’est le nom du géant qui sommeille tout au fond de la vallée de Þórsmörk, sous le glacier Mýrdalsjökull, et qui a vu nombre de ses éruptions survenir à intervalles rapprochées par rapport à celles d’Eyjafjallajökull. Ce volcan est entré une vingtaine de fois en éruption depuis l’arrivée de l’homme sur l‘île au XIe siècle. Aussi est-il le plus craint et le plus surveillé de tous les volcans islandais, surtout qu’il somnole depuis bien trop longtemps maintenant pour ne pas être soupçonné de manigance tellurique. En effet, sa dernière éruption majeure est survenue il y a environ 100 ans, en 1918, alors que ce volcan entre normalement en éruption deux fois par siècle en moyenne, et ce de façon plutôt régulière.
Les récits entourant la dernière éruption de Katla sont d‘ailleurs assez spectaculaires et laissent présager de possibles scenarii dévastateurs pour une vallée aux paysages féériques telle que Þórsmörk… Ainsi, un beau jour d‘automne 1918, juste un mois avant l‘armistice de la Première Guerre mondiale et à peine plus de 2h après qu‘une secousse sismique a été ressentie dans les campagnes environnantes, un énorme panache de fumée fut aperçu au-dessus du glacier Mýrdalsjökull. À cet endroit, de la lave était donc parvenue en un temps record à faire fondre plusieurs centaines de mètres de glace avant de se manifester en surface par un panache de cendres et de vapeur d‘eau.
Sans surprise, la fusion de toute cette glace en eau a donné lieu à la formation d’un fleuve éphémère mais gigantesque qui, très rapidement, est parvenu à se frayer un chemin sous le glacier en direction des plaines en contrebas puis de la mer. Ainsi, une demi-heure à peine après l‘apparition des premiers signes de l‘éruption, se manifestaient déjà au sud du glacier les débuts d‘une débâcle glaciaire qui allait prendre des proportions monumentales. Sur une bande de terre de 30km sur 40km séparant le front sud-est du glacier de la côte atlantique, se déversèrent un peu partout et pendant près d’une semaine, des quantités astronomiques d’eau. Au plus fort de l’inondation, dans les 24h qui suivirent les débuts de l’éruption, on estime ainsi que le débit de la débâcle atteignit 200 000 à 400 000 m3/s, soit l’équivalent du débit moyen de l’Amazon, du Mississippi, du Yangtze et du Nil combinés !
Désignés dans le jargon des vulcanologues par le terme islandais de jökulhlaup, ce que l’on pourrait traduire littéralement par « course de glacier », les lahars que l’on doit aux éruptions sous-glaciaires charrient avec eux des quantités extraordinaires de cendres et de roches volcaniques qui se déposent dans les plaines côtières, repoussant ainsi la mer un peu plus loin après chaque déferlement. À l’occasion de l’éruption de 1918, la côte fut ainsi repoussée de près 5km par endroits !
Qu’on s’imagine maintenant la même chose dans un goulot d’étranglement comme la vallée de Þórsmörk si jamais une telle débâcle parvenait à se frayer un chemin sur les flancs ouest du Mýrdalsjökull, et non au sud-est comme ce fut le cas en 1918. Les conséquences pourraient alors être dévastatrices ! On estime ainsi qu’une débâcle de ce calibre se manifesterait sous la forme d’une vague de 20m de hauteur qui pourrait atteindre la vallée en l’espace de 2h seulement après le début d’une éruption ! C’est pourquoi vous trouverez au niveau des refuges de la vallée des panneaux d’information sur les risques d’une éruption sous-glaciaire du volcan Katla. Et même si, il faut le dire, les chances de se trouver dans la vallée au moment exact de la prochaine éruption sont infimes, ils ne sont jamais nuls. Le cas échéant, des sirènes retentissent dans la vallée, rappelant à quiconque les entend, qu’il faut sans plus attendre se mettre en marche et rejoindre des contreforts suffisamment élevés de la vallée pour ne pas risquer d’être emporté par les flots !
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